Dans un contexte de vieillissement démographique, et alors que l’emploi des travailleurs expérimentés devient un enjeu majeur pour la soutenabilité de notre modèle social, la fin de carrière reste encore trop souvent délaissée. Pourtant, elle pourrait devenir une période riche de sens, de transmission et de choix. Le Bilan Social Individuel (BSI) digitalisé pourrait jouer un rôle pivot pour permettre une retraite préparée et valorisée.
La France entre dans une zone critique. Le taux de fécondité est tombé à 1,68 enfant par femme en 2023 (INSEE), l’espérance de vie continue de progresser, et le ratio actifs/retraités pourrait passer de 1 pour 3 à 1 pour 2 d’ici 2050 (Conseil d’orientation des retraites, COR). Or, seuls 39 % des 60–64 ans sont encore en emploi, contre 67 % en Allemagne et jusqu’à 70 % dans les pays nordiques — un écart qui fragilise notre système par répartition et alimente une crise de cohésion sociale. Pour y répondre, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet a qualifié le maintien en emploi des seniors de “un sujet majeur”, dénonçant “un immense gâchis humain et économique”.
Avec sa campagne nationale et l’introduction du terme “travailleurs expérimentés” pour les plus de 55 ans, elle entend “changer les pratiques et les regards”. Un projet de loi, débattu depuis le 23 juin à l’Assemblée, propose plusieurs leviers . Quelques exemples : CDI senior, retraite progressive, rendez-vous de mi-carrière… Mais pour que ces dispositifs portent leurs fruits, les entreprises doivent prendre le relais et se doter d’outils opérationnels. Et si le Bilan Social Individuel (BSI) – encore réduit à un document RH – devenait un levier pour construire un pacte générationnel ? Un outil pour anticiper et accompagner, afin que la fin de carrière ne soit plus subie, mais préparée et choisie.
Le projet de loi sur l’emploi : ce qui change pour les travailleurs expérimentés
De nouveaux droits pour les seniors
En 2023, la France comptait 37 retraités pour 100 actifs, un ratio susceptible d’atteindre 50 pour 100 d’ici à 2050 . Pour le COR, le maintien dans l’emploi des plus de 55 ans est incontournable pour éviter une crise financière dès 2030. Pourtant, les fins de carrière se font trop souvent dans la détresse : un quart des 50–64 ans souffrent déjà de pathologies liées à la pénibilité, et 30 % des salariés précaires quittent le monde du travail avant l’âge légal faute d’accompagnement.
Le projet de loi sur l’emploi des seniors, issu d’accords nationaux interprofessionnels conclus en novembre 2024 entre partenaires sociaux, a été examiné à l’Assemblée nationale en juin 2025. Il prévoit :
- Le CDI senior (CVE) : destiné aux plus de 60 ans, avec exonération de charges pour l’employeur pendant trois ans. La mise à la retraite ne pourra intervenir qu’à l’âge légal et sous conditions de liquidation à taux plein.
- La retraite progressive : renforcée, avec droit à temps partiel en fin de carrière. L’employeur devra justifier tout refus.
- Le rendez‑vous de mi‑carrière à 45 ans, combinant entretien professionnel et visite médicale.
- Une négociation obligatoire sur les seniors, dans les branches et entreprises de plus de 300 salariés, incluant notamment l’amélioration des conditions de travail.
- La suppression de la limite de mandats CSE pour les membres seniors, désormais autorisés à les cumuler sans restriction.
Un pacte générationnel à construire
En juin 2025, le conclave social à Matignon, sous la houlette de François Bayrou, a confirmé l’impératif de hausser le taux d’emploi des seniors — objectif ciblé à 65 % pour les 60–64 ans d’ici 2030 — et a acté des premières concessions sur l’âge du taux plein. Cependant, le Premier ministre a prévenu que, sans accord global, un compromis législatif sera voté à l’automne. Dans ce contexte, les entreprises doivent s’équiper d’outils RH adaptés. C’est là que le BSI digitalisé entre en scène. En rendant visibles les droits sociaux, en simulant des scénarios de fin de carrière, et en ouvrant un dialogue individualisé, il transforme les dispositifs légaux en leviers concrets au service des collaborateurs.
Le Bilan Social Individuel, cardinal pour préparer la retraite ?
Un outil de transparence sur les droits sociaux des travailleurs expérimentés
Informer les travailleurs expérimentés sur leurs droits à la retraite est une obligation depuis la loi Senior de mai 2009. Elle impose aux entreprises de plus de 50 salariés un plan d’action incluant un accompagnement à la fin de carrière. Et pour cause : en 2020, deux tiers des Français se disaient déjà inquiets concernant cette étape. Dans ce climat d’incertitude, le Bilan Social Individuel (BSI) apparaît comme un canal d’information et de transparence. Initialement pensé comme un outil de communication RH, il permet de présenter, de façon personnalisée, l’ensemble des éléments de rémunération et des droits sociaux d’un salarié.
Le BSI peut aussi servir à anticiper la retraite en répondant à des questions concrètes : Puis-je passer à temps partiel ? Quels dispositifs peuvent m’aider à aménager la fin de carrière ? En rassemblant ces informations dans un document clair, synthétique et régulièrement actualisé, le BSI offre aux salariés une vision précise de leur situation. Il favorise ainsi la projection, la responsabilisation et un dialogue structuré autour d’une étape restant encore nébuleuse pour beaucoup.
Une réponse concrète à l’angoisse de la retraite
Le BSI centralise et rend accessibles des données souvent dispersées :
- Le montant des cotisations retraite versées par le salarié et l’employeur, ventilées par régime (général, complémentaire, supplémentaire) ;
- Des explications claires sur les régimes applicables (CNAV, Agirc-Arrco, Article 83, PER…) ;
- L’âge légal et l’estimation de l’âge du taux plein en fonction des trimestres validés et manquants ;
- Des liens vers des simulateurs publics (info-retraite.fr) ou privés (Sapiendo), pour aller plus loin.
Mais le bilan social individuel peut aller au-delà : il met aussi en lumière les dispositifs internes d’aménagement de fin de carrière, comme le mentorat, le tutorat, la retraite progressive, le cumul emploi-retraite, ou encore les jours de mécénat de compétences. Il devient ainsi un levier concret pour valoriser l’expérience, favoriser la transmission et alléger les dernières années de parcours professionnel.
Le BSI, support du dialogue social et de l’autonomie
Avec le projet de loi sur l’emploi des seniors actuellement en discussion, de nouveaux dispositifs pourraient bientôt être intégrés : rendez-vous de mi-carrière, contrat senior (CVE), droit renforcé au temps partiel en fin de parcours… Le BSI devient le support privilégié pour rendre visible et compréhensible cette offre, à la fois pour les RH et les collaborateurs.
Dans les faits, peu d’entreprises disposent de la vision complète du parcours de leurs salariés. Il est donc pertinent de le connecter à des outils externes, comme les simulateurs de retraite individuelle. C’est le cas par exemple de la solution Sapiendo, qui permet un accompagnement sur mesure selon les grandes étapes de la carrière.
Faire du BSI un levier de longévité professionnelle choisie pour les travailleurs expérimentés
Comme le défend l’économiste Maxime Sbaihi dans Le Grand Vieillissement (2022), le vieillissement n’est pas une menace, c’est une transformation. Face aux tensions démographiques, la réponse ne peut être uniquement comptable ou défensive. Il s’agit désormais d’inventer un pacte générationnel fondé sur la coopération, l’anticipation et la transparence.
Dans cette optique, le Bilan Social Individuel digitalisé devient bien plus qu’un document RH : il éclaire, structure et accompagne. Il offre une lecture personnalisée du parcours, des droits acquis et des options possibles — au service d’une fin de carrière mieux préparée, mieux vécue, et socialement reconnue.
Seniors : trois atouts majeurs du bilan individual digitalisé
- Construire une fin de carrière personnalisée
Il permet d’adapter le parcours aux capacités, envies et contraintes du salarié. Loin d’un schéma uniforme, il ouvre la voie à des trajectoires souples et mieux vécues. - Renouveler le dialogue social
Grâce à des données partagées et des rituels RH concrets, le BSI devient un point d’appui pour des entretiens réguliers, des ajustements progressifs et des dispositifs à activer (mécénat, mentorat, temps partiel…). - Valoriser la dernière séquence professionnelle
Il redonne du sens à cette étape, en favorisant transmission, engagement et reconnaissance. En rendant l’information claire, il renforce l’autonomie et le pouvoir d’agir des salariés.
La transition vers la fin de carrière n’a plus à être une zone grise ! Elle peut devenir une étape préparée, transparente et reconnue — au service des salariés comme de l’entreprise. En ce sens, le BSI ne se contente pas de compiler des données : il change le regard porté sur la fin de carrière, en apportant des repères concrets dans un moment souvent flou et anxiogène. Dans une société où la longévité s’impose comme un fait, faire de cette étape un projet plutôt qu’un couperet passe par une information plus claire… et un accompagnement plus humain.
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